mercredi 9 février 2011

J-F Lyotard : L'aliénation

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bac blanc n°1 (STI)

BAC BLANC : ÉPREUVE DE PHILOSOPHIE (17.01.2010)

Traitez au choix l’un des sujets suivants :

Sujet 1 :


Vouloir retourner à la nature a-t-il un sens pour l’homme ?

Sujet 2 :

Pourquoi échangeons-nous ?

Sujet 3 :

Dans presque toutes les espèces d’animaux, chaque individu, quand il est parvenu à sa pleine croissance, est tout à fait indépendant, et, tant qu’il reste dans son état naturel, il peut se passer de l’aide de toute autre créature vivante. Mais l’homme a presque continuellement besoin du secours de ses semblables, et c’est en vain qu’il l’attendrait de leur seule bienveillance. Il sera bien plus sûr de réussir, s’il s’adresse à leur intérêt personnel et s’il leur persuade que leur propre avantage leur commande de faire ce qu’il souhaite d’eux. C’est ce que fait celui qui propose à un autre un marché quelconque ; le sens de la proposition est ceci : Donnez-moi ce dont j’ai besoin, et vous aurez de moi ce dont vous avez besoin vous-même ; et la plus grande partie de ces bons offices qui nous sont si nécessaires, s’obtient de cette façon. Ce n’est pas de la bienveillance du boucher, du marchand de bière, ou du boulanger, que nous attendons notre dîner, mais bien du soin qu’ils apportent à leurs intérêts. Nous ne nous adressons pas à leur humanité, mais à leur égoïsme ; et ce n’est jamais de nos besoins que nous leur parlons, c’est toujours de leur avantage. Il n’y a qu’un mendiant qui puisse se résoudre à dépendre de la bienveillance d’autrui ; encore ce mendiant n’en dépend-il pas en tout : c’est bien la bonne volonté des personnes charitables qui lui fournit le fond entier de sa subsistance ; mais quoique ce soit là en dernière analyse le principe d’où il tire de quoi satisfaire aux besoins de sa vie, cependant ce n’est pas celui-là qui peut y pourvoir à mesure qu’ils se font sentir. La plus grande partie de ses besoins du moment se trouve satisfait comme ceux des autres hommes, par traité, par échange et par achat. Avec l’argent que l’un lui donne, il achète du pain. Les vieux habits qu’il reçoit d’un autre, il les troque contre d’autres vieux habits qui l’accommodent mieux, ou bien contre un logement, contre des aliments, ou enfin contre de l’argent qui lui servira à se procurer un logement, des aliments ou des habits quand il en aura besoin.

Adam Smith, Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations (1776)

QUESTIONS :


  1. Dégagez l’idée directrice du texte et dégagez les principales étapes de l’argumentation.

  1. Expliquez :

a)                    « l’homme a presque continuellement besoin du secours de ses semblables, et c’est en vain qu’il l’attendrait de leur seule bienveillance. »
b)                    « Ce n’est pas de la bienveillance du boucher, du marchand de bière, ou du boulanger, que nous attendons notre dîner, mais bien du soin qu’ils apportent à leurs intérêts. »


       3.  Les rapports humains ne sont-ils que des relations d’intérêt ?



Bon courage.


Bac blanc n°1 (TS)




BAC BLANC N°1 : ÉPREUVE DE PHILOSOPHIE (
17.01.2011)

Traitez au choix l’un des sujets suivants :

Sujet 1 :

Quelle conception de l’homme l’hypothèse de l’inconscient remet-elle en cause ?

Sujet 2 :

Peut-on refuser l'idée d'inconscient psychique ?


Expliquez le texte suivant :


L’homme, quelque rabaissé qu’il soit au-dehors, se sent souverain dans sa propre âme. Il s’est forgé quelque part, au cœur de son moi, un organe de contrôle1 qui surveille si ses propres émotions et ses propres actions sont conformes à ses exigences. […] Dans certaines maladies et, de fait, justement dans les névroses2, que nous étudions, il en est autrement. le moi se sent mal à l'aise, il touche aux limites de sa puissance en sa propre maison, l'âme. Des pensées surgissent subitement dont on ne sait d'où elles viennent ; on n'est pas non plus capable de les chasser. Ces hôtes étrangers semblent même être plus forts que ceux qui sont soumis au moi.[...]
La psychanalyse entreprend d'élucider ces cas morbides3 inquiétants, elle organise de longues et minutieuses recherches, elle se forge des notions de secours et des constructions scientifiques, et, finalement, peut dire au moi : « Il n'y a rien d'étranger qui se soit introduit en toi, c'est une part de ta propre vie psychique qui s'est soustraite à ta connaissance et à la maîtrise de ton vouloir. [...]
« La faute, je dois le dire, en revient à toi. Tu as trop présumé de ta force lorsque tu as cru pouvoir disposer à ton gré de tes instincts4 sexuels et n’être pas obligé de tenir compte le moins du monde de leurs aspirations. Ils se sont révoltés et ont suivi leurs propres voies obscures afin de se soustraire à la répression, ils ont conquis leur droit d’une manière qui ne pouvait plus te convenir5. […] »
« Tu crois savoir tout ce qui se passe dans ton âme, dès que c'est suffisamment important, parce que ta conscience te l'apprendrait alors. Et quand tu restes sans nouvelles d'une chose qui est dans ton âme, tu admets, avec une parfaite assurance, que cela ne s'y trouve pas. Tu vas même jusqu'à tenir psychique pour identique à conscient, c'est-à-dire connu de toi, et cela malgré les preuves les plus évidentes qu'il doit sans cesse se passer dans ta vie psychique bien plus de choses qu'il ne peut s'en révéler à ta conscience. Tu te comportes comme un monarque absolu qui se contente des informations que lui donnent les hauts dignitaires de la cour et qui ne descend pas vers le peuple pour entendre sa voix. Rentre en toi-même profondément et apprends d'abord à te connaître, alors tu comprendras pourquoi tu vas tomber malade, et peut-être éviteras-tu de le devenir. »

C'est de cette manière que la psychanalyse voudrait instruire le moi. Mais les deux clartés qu'elle nous apporte : savoir que la vie instinctive de la sexualité ne saurait être complètement domptée en nous et que les processus psychiques sont en eux-mêmes inconscients, et ne deviennent accessibles et subordonnés au moi que par une perception incomplète et incertaine, équivalent à affirmer que le moi n'est pas maître dans sa propre maison  .

FREUD
 « Une difficulté de la psychanalyse »,
in Essais de Psychanalyse appliquée.

NOTES :

1. La conscience.
2. Troubles obsessionnels, compulsions, angoisse, phobies, etc ou encore troubles hystériques.
3. Qui concernent la maladie.
4. « Trieb » en allemand, que l’on traduit plutôt par le terme de pulsion (latin pulsio, « poussée »).
5. Allusion au symptôme névrotique.


La connaissance de la doctrine de l'auteur n'est pas requise. Il faut et il suffit que l'explication rende compte, par la compréhension précise du texte, du problème dont il est question.



Bon courage.

Cicéron : La culture de l'âme (cultura animi)

« Un champ, si fertile soit-il, ne peut être productif sans culture, et c’est la même chose pour l’âme sans enseignement […] La culture de l’âme (cultura animi), c’est la philosophie : c’est elle qui extirpe radicalement les vices, met les âmes en état de recevoir les semences, et, pour ainsi dire, sème ce qui, une fois développé, jettera la plus abondante des récoltes. »
  Cicéron (Tusculanes)

Rousseau : Liberté et perfectibilité

 Je ne vois dans tout animal qu'une machine ingénieuse, à qui la nature a donné des sens pour se remonter elle-même, et pour se garantir, jusqu'à un certain point, de tout ce qui tend à la détruire, ou à la déranger. J'aperçois précisément les mêmes choses dans la machine humaine, avec cette différence que la nature seule fait tout dans les opérations de la bête, au lieu que l'homme concourt aux siennes, en qualité d'agent libre. L'un choisit ou rejette par instinct, et l'autre par un acte de liberté; ce qui fait que la bête ne peut s'écarter de la règle qui lui est prescrite, même quand il lui serait avantageux de le faire, et que l'homme s'en écarte souvent à son préjudice. C'est ainsi qu'un pigeon mourrait de faim près d'un bassin rempli des meilleures viandes, et un chat sur des tas de fruits, ou de grain, quoique l'un et l'autre pût très bien se nourrir de l'aliment qu'il dédaigne, s'il s'était avisé d'en essayer. C'est ainsi que les hommes dissolus se livrent à des excès, qui leur causent la fièvre et la mort; parce que l'esprit déprave les sens, et que la volonté parle encore, quand la nature se tait.

Tout animal a des idées puisqu'il a des sens, il combine même ses idées jusqu'à un certain point, et l'homme ne diffère à cet égard de la bête que du plus au moins. Quelques philosophes ont même avancé qu'il y a plus de différence de tel homme à tel homme que de tel homme à telle bête; ce n'est donc pas tant l'entendement qui fait parmi les animaux la distinction spécifique de l'homme que sa qualité d'agent libre. La nature commande à tout animal, et la bête obéit. L'homme éprouve la même impression, mais il se reconnaît libre d'acquiescer, ou de résister; et c'est surtout dans la conscience de cette liberté que se montre la spiritualité de son âme: car la physique explique en quelque manière le mécanisme des sens et la formation des idées; mais dans la puissance de vouloir ou plutôt de choisir, et dans le sentiment de cette puissance on ne trouve que des actes purement spirituels, dont on n'explique rien par les lois de la mécanique.

Mais, quand les difficultés qui environnent toutes ces questions, laisseraient quelque lieu de disputer sur cette différence de l'homme et de l'animal, il y a une autre qualité très spécifique qui les distingue, et sur laquelle il ne peut y avoir de contestation, c'est la faculté de se perfectionner; faculté qui, à l'aide des circonstances, développe successivement toutes les autres, et réside parmi nous tant dans l'espèce que dans l'individu, au lieu qu'un animal est, au bout de quelques mois, ce qu'il sera toute sa vie, et son espèce, au bout de mille ans, ce qu'elle était la première année de ces mille ans. Pourquoi l'homme seul est-il sujet à devenir imbécile? N'est-ce point qu'il retourne ainsi dans son état primitif, et que, tandis que la bête, qui n'a rien acquis et qui n'a rien non plus à perdre, reste toujours avec son instinct, l'homme reperdant par la vieillesse ou d'autres accidents tout ce que sa perfectibilité lui avait fait acquérir, retombe ainsi plus bas que la bête même? Il serait triste pour nous d'être forcés de convenir, que cette faculté distinctive et presque illimitée est la source de tous les malheurs de l'homme; que c'est elle qui le tire, à force de temps, de cette condition originaire, dans laquelle il coulerait des jours tranquilles et innocents; que c'est elle qui, faisant éclore avec les siècles ses lumières et ses erreurs, ses vices et ses vertus, le rend à la longue le tyran de lui-même et de la nature.


JEAN-JACQUES ROUSSEAU DISCOURS SUR L'ORIGINE ET LES FONDEMENTS DE L'INEGALITE PARMI LES HOMMES  (extraits)

Rousseau : Etat de nature et état de société

La plus utile et la moins avancée de toutes les connaissances humaines me paraît être celle de l'homme et j'ose dire que la seule inscription du temple de Delphes contenait un précepte plus important et plus difficile que tous les gros livres des moralistes. […] et comment l'homme viendra-t-il à bout de se voir tel que l'a formé la nature, à travers tous les changements que la succession des temps et des choses a dû produire dans sa constitution originelle, et de démêler ce qu'il tient de son propre fonds d'avec ce que les circonstances et ses progrès ont ajouté ou changé à son état primitif. Semblable à la statue de Glaucus que le temps, la mer et les orages avaient tellement défigurée qu'elle ressemblait moins à un dieu qu'à une bête féroce, l'âme humaine altérée au sein de la société par mille causes sans cesse renaissantes, par l'acquisition d'une multitude de connaissances et d'erreurs, par les changements arrivés à la constitution des corps, et par le choc continuel des passions, a, pour ainsi dire, changé d'apparence au point d'être presque méconnaissable; et l'on n'y retrouve plus, au lieu d'un être agissant toujours par des principes certains et invariables, au lieu de cette céleste et majestueuse simplicité dont son auteur l'avait empreinte, que le difforme contraste de la passion qui croit raisonner et de l'entendement en délire.

 Ce qu'il y a de plus cruel encore, c'est que tous les progrès de l'espèce humaine l'éloignant sans cesse de son état primitif, plus nous accumulons de nouvelles connaissances, et plus nous nous ôtons les moyens d'acquérir la plus importante de toutes, et que c'est en un sens à force d'étudier l'homme que nous nous sommes mis hors d'état de le connaître. […] Car ce n'est pas une légère entreprise de démêler ce qu'il y a d'originaire et d'artificiel dans la nature actuelle de l'homme, et de bien connaître un état qui n'existe plus, qui n'a peut-être point existé, qui probablement n'existera jamais, et dont il est pourtant nécessaire d'avoir des notions justes pour bien juger de notre état présent. […]

 Cette même étude de l'homme originel, de ses vrais besoins, et des principes fondamentaux de ses devoirs, est encore le seul bon moyen qu'on puisse employer pour lever ces foules de difficultés qui se présentent sur l'origine de l'inégalité morale, sur les vrais fondements du corps politique, sur les droits réciproques de ses membres, et sur mille autres questions semblables, aussi importantes que mal éclaircies. […]
Or sans l'étude sérieuse de l'homme, de ses facultés naturelles, et de leurs développements successifs, on ne viendra jamais à bout de faire ces distinctions, et de séparer dans l'actuelle constitution des choses ce qu'a fait la volonté divine d'avec ce que l'art humain a prétendu faire. […]
Les recherches politiques et morales auxquelles donne lieu l'importante question que j'examine sont donc utiles de toutes manières, et l'histoire hypothétique des gouvernements est pour l'homme une leçon instructive à tous égards. En considérant ce que nous serions devenus, abandonnés à nous-mêmes, nous devons apprendre à bénir celui dont la main bienfaisante, corrigeant nos institutions et leur donnant une assiette inébranlable, a prévenu les désordres qui devraient en résulter, et fait naître notre bonheur des moyens qui semblaient devoir combler notre misère.[…]

 Les philosophes qui ont examiné les fondements de la société ont tous senti la nécessité de remonter jusqu'à l'état de nature, mais aucun d'eux n'y est arrivé. […] tous, parlant sans cesse de besoin, d'avidité, d'oppression, de désirs et d'orgueil, ont transporté à l'état de nature des idées qu'ils avaient prises dans la société. Ils parlaient de l'homme sauvage, et ils peignaient l'homme civil. […]
  Commençons donc par écarter tous les faits, car ils ne touchent point à la question. Il ne faut pas prendre les recherches, dans lesquelles on peut entrer sur ce sujet, pour des vérités historiques, mais seulement pour des raisonnements hypothétiques et conditionnels; plus propres à éclaircir la nature des choses qu'à en montrer la véritable origine, et semblables à ceux que font tous les jours nos physiciens sur la formation du monde. La religion nous ordonne de croire que Dieu lui-même ayant tiré les hommes de l'état de nature, immédiatement après la création, ils sont inégaux parce qu'il a voulu qu'ils le fussent; mais elle ne nous défend pas de former des conjectures tirées de la seule nature de l'homme et des êtres qui l'environnent, sur ce qu'aurait pu devenir le genre humain, s'il fût resté abandonné à lui-même. Voilà ce qu'on me demande, et ce que je me propose d'examiner dans ce Discours. Mon sujet intéressant l'homme en général, je tâcherai de prendre un langage qui convienne à toutes les nations ;  […]
 O homme, de quelque contrée que tu sois, quelles que soient tes opinions, écoute. Voici ton histoire, telle que j'ai cru la lire, non dans les livres de tes semblables qui sont menteurs, mais dans la nature qui ne ment jamais. Tout ce qui sera d'elle sera vrai. Il n'y aura de faux que ce que j'y aurai mêlé du mien, sans le vouloir. Les temps dont je vais parler sont bien éloignés. Combien tu as changé de ce que tu étais! C'est pour ainsi dire la vie de ton espèce que je te vais décrire d'après les qualités que tu as reçues, que ton éducation et tes habitudes ont pu dépraver, mais qu'elles n'ont pu détruire. […]

JEAN-JACQUES ROUSSEAU , DISCOURS SUR L'ORIGINE ET LES FONDEMENTS DE L'INEGALITE PARMI LES HOMMES  (extraits)

blog-notes philo: DSn°1 (STI) : "On façonne les plantes par la culture, et les hommes par l’éducation" (Rousseau)

blog-notes philo: DSn°1 (STI) : "On façonne les plantes par la culture, et les hommes par l’éducation" (Rousseau)

Lévi-Strauss : nature et culture



QU’EST-CE QUE LA CULTURE ?            

Dans un entretien avec Georges Charbonnier, Claude Lévi-Strauss, l'un des plus grands spécialistes de l'étude des civilisations, explique la différence entre l'animal et l'homme par le passage de la nature à la culture. 
Georges  charbonnier - [...]  Quelle  distinction  y  a- t- il  lieu  d'établir  entre  nature  et  culture
Claude Lévi- strauss - [...] La nature, c'est tout ce qui est en nous par hérédité biologique ; la culture, c'est au contraire, tout ce que nous tenons de la tradition externe. [...] la culture ou la civilisation, c'est l'ensemble des coutumes, des croyances, des institutions telles que l'art, le droit, la religion, les techniques de la vie matérielle, en un mot, toutes les habitudes ou aptitudes apprises par l'homme en tant que membre d'une société. Il y a donc là deux grands ordres de faits. L'un grâce auquel nous tenons à l'animalité par tout ce que nous sommes, du fait même de notre naissance et des caractéristiques que nous ont léguées nos parents et nos ancêtres, lesquelles relèvent de la biologie, de la psychologie quelquefois ; et d'autre part, tout cet univers artificiel qui est celui dans lequel nous vivons en tant que membres d'une société. [...] 
- G. C. -  quel  est  le  signe  que  l'on  admet  comme  représentatif  de  la  culture ? Le  signe  le  plus  humble ? - C. L.-S - Pendant très longtemps, on a pensé, et beaucoup d'ethnologues pensent peut-être encore que c'est la présence d'objets manufacturés. On a défini l'homme comme  homo  faber fabricateur d'outils, en voyant dans ce caractère la marque même de la culture. J'avoue que je ne suis pas d'accord et que l'un de mes buts essentiels a toujours été de placer la ligne de démarcation entre culture et nature, non dans l'outillage, mais dans le langage articulé. C'est là vraiment que le saut se fait ; supposez que nous rencontrions, sur une planète inconnue, des êtres vivants qui fabriquent des outils, nous ne serions pas sûrs pour autant qu'ils relèvent de l'ordre de l'humanité. En vérité, nous en rencontrons sur notre globe, puisque certains animaux sont capables, jusqu'à un certain point, de fabriquer des outils ou des ébauches d'outils. Pourtant, nous ne croyons pas qu'ils aient accompli le passage de la nature à la culture. Mais imaginez que nous tombions sur des êtres vivants qui possèdent un langage, aussi différent du nôtre qu'on voudra, mais qui serait traduisible dans notre langage, donc des êtres avec lesquels nous pourrions communiquer... 
- G. C. -  Un  langage  par  signes  ou  par  mots...  n'importe  quel  langage... 
- C. L.-S. - N'importe quel langage que vous puissiez concevoir, car le propre d'un langage, c'est d'être traduisible, sinon ce ne serait pas un langage parce que ce ne serait pas un système de signes, nécessairement équivalent ) un autre système de signes au moyen d'une transformation. Les fourmis peuvent construire des palais souterrains extraordinairement compliqués, se livrer à des cultures aussi savantes que celles des champignons, qui, dans un certain stade seulement de leur développement que la nature ne réalise pas spontanément, sont propres à leur servir de nourriture, elles n'en appartiennent pas moins à l'animalité. Mais si nous étions capables d'échanger des messages avec les fourmis et de discuter avec elles, la situation serait tout autre, nous serions dans l'ordre de la culture et non plus dans celui de la nature. 
- G.C. -  Tout  problème  est  donc  de  langage
- C. L.-S. - Je pense que tout problème est de langage, nous le disions pour l'art. Le langage m'apparaît comme le fait culturel par excellence, et cela à plusieurs titres ; d'abord parce que le langage est une partie de la culture, l'une de ces aptitudes ou habitudes que nous recevons de la tradition externe ; en second lieu, parce que le langage est l'instrument essentiel, le moyen privilégié par lequel nous nous assimilons la culture de notre groupe... un enfant apprend sa culture parce qu'on lui parle : on le réprimande, on l'exhorte, et tout cela se fait avec des mots ; enfin et surtout, parce que le langage est la plus parfaite de toutes les manifestations d'ordre culturel qui forment, à un titre ou à l'autre, des systèmes, et si nous voulons comprendre ce que c'est que l'art, la religion, le droit, peut-être même la cuisine ou les règles de la politesse, il faut les concevoir comme des codes formés par l'articulation de signes, sur le modèle de la communication linguistique. 

Georges  Charbonnier Entretiens  avec  Claude Lévi- Strauss, Presses Pocket, 1969, pp. 180-188. 


QUESTIONS DE RÉFLEXION :

1. Expliquez et commentez la distinction qu’il y a lieu d’établir selon Lévi-Strauss entre “nature” et “culture”.
2. Quel est selon l’auteur le signe le plus représentatif de la culture ? (expliquez) ; pourquoi refuse-t-il comme d’autres ethnologues de placer la ligne de démarcation entre nature et culture dans la fabrication d’outils ? Pourquoi le langage est-il le fait culturel par excellence ? (détaillez les différents arguments du texte).
3. Quels sont  les enjeux d’une réflexion philosophique sur la distinction de ces deux grands ordres de faits ?

dimanche 6 février 2011

Radio : La question totalitaire (Répliques du 22 janvier 2011 à réécouter)


Ecoutez l'émission49 minutes

La question totalitaire

22.01.2011 - 09:10

La question totalitaire
Invité(s) :
Marcel Gauchet, historien Philosophe Directeur d'études à l'EHESS et rédacteur en chef de la revue Le Débat
Philippe de Lara, maître de conférences à l’université Paris-II (philosophie et sciences politiques).

lundi 31 janvier 2011

Radio : Le Contrat social de Rousseau




Avec Céline Spector.


Le Journal des Nouveaux Chemins avec Marie-Françoise Chevallier-Le Guyader, à propos de l'ouvrage collectif La science en jeu (Actes sud).


Réalisation : Mydia Portis-Guérin

Invité(s) :
Marie-Franec Chevalier-Le Guyader, directrice de l’Institut des hautes études pour la science et la technologie.
Céline Spector, maître de conférences à l'Université de Bordeaux III Michel de Montaigne

jeudi 27 janvier 2011

Faut-il libérer le désir ou se libérer du désir ? Un autre exemple de bonne copie :

bonne copie 2

Faut-il libérer le désir ou se libérer du désir ? Une bonne copie :

bonne copie

Auschwitz, premiers témoignages, documentaire d' Emil Weiss (2010) : rediffusion sur ARTE le 3 février à 03h10





Auschwitz, premiers témoignages

Le documentariste Emil Weiss pensait clore son cycle consacré à l'univers concentrationnaire avec le film Sonder-kommando Auschwitz-Birkenau, diffusé le 23 janvier 2008 par ARTE, sur les déportés chargés de faire fonctionner les fours crématoires. "C'est l'inverse qui s'est passé. Il m'est apparu que ce choix radical de faire entendre, au cinéma, des textes fondamentaux jusqu'ici laissés de côté, était une approche différente et féconde et qu'il fallait poursuivre cette entreprise en décrivant les autres étapes déterminantes du parcours des victimes", explique-t-il. Dans ce documentaire, il fait entendre les voix de quatre survivants d'Auschwitz - Suzanne Birnbaum, le Dr Robert Levy, le Dr Robert Waitz et le Dr Mark Klein. Leurs témoignages ont la particularité d'avoir été déposés dès la fin de la guerre, en 1945. Ils rendent compte des événements vécus, avec simplicité et force, sans "écran mémoriel". Ce phénomène d'uniformité observé par les historiens, qui caractérise certains témoignages tardifs, serait dû, entre autres, à une propension inconsciente de l'interviewé à répondre aux attentes de l'intervieweur.
(France, 2010, 77mn)
ARTE F

Date de première diffusion:Hier, 20h42

Date(s) de rediffusion:Jeudi, 3. février 2011, 03h10

vendredi 14 janvier 2011

Bergson : la joie n'est pas le plaisir


Texte lu par Jean Vilar (1971)



"Les philosophes qui ont spéculé sur la signification de la vie et sur la destinée de l'homme n'ont pas assez remarqué que la nature a pris la peine de nous renseigner là-dessus elle-même. Elle nous avertit par un signe précis que notre destination est atteinte. Ce signe est la joie. Je dis la joie, je ne dis pas le plaisir. Le plaisir n'est qu'un artifice imaginé par la nature pour obtenir de l'être vivant la conservation de la vie ; il n'indique pas la direction où la vie est lancée. Mais la joie annonce toujours que la vie a réussi, qu'elle a gagné du terrain, qu'elle a remporté une victoire : toute grande joie a un accent triomphal. Or, si nous tenons compte de cette indication et si nous suivons cette nouvelle ligne de faits, nous trouvons que partout où il y a joie, il y a création : plus riche est la création, plus profonde est la joie. "
                                                                                                                      

                                                                                                      BERGSON, 
L'Energie spirituelle