jeudi 11 novembre 2010

De quoi parlent les mathématiques ? (suite)

- Est-ce qu’il est vraiment si difficile, ce problème ?
- S’il est difficile ! Soupira Marinette. C’est bien simple. On n’y comprend rien.
- Si je savais de quoi il s’agit, dit le chien, j’aurais peut-être une idée.
- Je vais te lire l’énoncé proposa Delphine. «  Les bois de la commune ont une étendue de seize hectares. Sachant qu’un are est planté de trois chênes, de deux hêtres et d’un bouleau, combien les bois de la commune contiennet-ils d’arbres de chaque espèce » ?
- Je suis de votre avis, dis le chien, ce n’est pas un problème facile. […]
- C’est très simple, répondit la petite poule blanche, et je m’étonne que personne n’y ait pensé. Les bois de la commune sont tout près d’ici. Le seul moyen de savoir combien il y a de chênes, de hêtres et de bouleaux, c’est d’aller les compter. A nous tous, je suis sûre qu’il ne nous faudra pas plus d’une heure pour en venir à bout. […]
[La maîtresse :] Nous allons voir comment vous vous êtes tirées du problème des bois de la commune. Quelles sont celles d’entre vous qui l’ont fait ?
Delphine et Marinette furent seules à lever la main. Ayant jeté un coup d’œil sur leurs cahiers, la maîtresse eut une moue qui les inquiéta un peu. Elle paraissait douter que leur solution fût exacte.
- Voyons, dit-elle en passant au tableau, reprenons l’énoncé. Les bois de la commune ont une étendue de seize hectares…
Ayant expliqué aux élèves comment il fallait raisonner, elle fit les opérations au tableau et déclara :
- Les bois de la commune contiennent donc quatre mille huit cents chênes, trois mille deux cent hêtres et seize et treize cent bouleaux. Par conséquent, Delphine et Marinette se sont trompées. Elles auront une mauvaise note.
- Permettez, dit la petite poule blanche. J’en suis fâchée pour vous, mais c’est vous qui vous êtes trompée. Les bois de la commune contiennent trois mille neuf cent dix-huit chênes, douze cent quatorze hêtres et treize cent deux bouleaux. C’est ce que trouvent les petites.
- C’est absurde protesta la maîtresse. Il ne peut y avoir plus de bouleaux que de hêtres. Reprenons le raisonnement…
- Il n’y a pas de raisonnement qui tienne. Les bois de la commune contiennent bien treize cent deux bouleaux. Nous avons passé l’après-midi d’hier à les compter. Est-ce vrai, vous autres ?
- C’est vrai, affirmèrent le chien, le cheval et le cochon.
- J’étais là, dit le sanglier. Les arbres ont été comptés deux fois.
La maîtresse essaya de faire comprendre aux bêtes que les bois de la commune, dont il était question dans l’énoncé, ne correspondait à rien de réel, mais la petite poule blanche se fâcha et ses compagnons commençaient à être de mauvaise humeur. « Si l’on ne pouvait se fier à l’énoncé, disaient-ils, le problème lui-même n’avait plus aucun sens. La maîtresse leur déclara qu’ils étaient stupides. […]

                                                                Marcel Aymé, Les contes du chat perché , « Le problème », Gallimard (1934 à 1946).

1 commentaire:

  1. Bonjour,

    Vous êtes cordialement invité à visiter mon blog.

    Description : Mon Blog(fermaton.over-blog.com), présente le développement mathématique de la conscience humaine.

    La Page No-10: E=MC2 !

    DE PLATON OU D'EINSTEIN ?

    Cordialement

    Clovis Simard

    RépondreSupprimer